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10 mai 2021

Entrevue avec nos quatre nouveaux.elles professeur.e.s

Eilif Benjamin Muller

Quels sont vos intérêts de recherche?

Je dirige le Laboratoire des Architectures de l’Apprentissage Biologique au CHU Ste-Justine, où nos recherches sont axées sur la compréhension des processus d’apprentissage dans la région du cerveau des mammifères appelée néocortex, à l’aide d’approches computationnelles et mathématiques. Cette région est particulièrement développée chez l’homme, représentant environ 3/4 de notre cerveau, et contenant environ 100 trillions de synapses. Ces points de communication entre les neurones subissent des changements persistants de connectivité en fonction de nos expériences, un processus connu sous le nom de plasticité synaptique, qui serait à la base de notre apprentissage.

Notre objectif de recherche est de développer une compréhension quantitative et intégrée de la manière dont l’apprentissage émerge de la plasticité synaptique dans l’architecture du réseau néocortical en reliant deux échelles de description mathématique : (1) les simulations informatiques des processus biologiques pertinents et (2) les riches cadres conceptuels fournis par la recherche moderne en intelligence artificielle (IA).  En reliant ces deux échelles, nous visons à fournir une compréhension fondamentale plus approfondie des mécanismes causaux qui sous-tendent la fonction et le dysfonctionnement de l’apprentissage, et à contribuer au développement de traitements personnalisés innovants des troubles associés, tels que les troubles du spectre autistique et la schizophrénie, qui s’attaquent à la cause sous-jacente.

Pouvez-vous nous partager un “fun-fact” sur vous ou votre devise?

Viktor Frankl, neurologue, psychiatre et survivant de l’holocauste, a dit : « Le sens de la vie est de donner un sens à la vie. » Ce sont des paroles profondes de positivité que je m’efforce de vivre chaque jour. Pour m’aider dans cette voie, je bois de grandes quantités de thé Darjeeling. Jusqu’à mon arrivée à Montréal en 2019, je ne savais pas que j’adorais aussi absolument la poutine à la viande fumée. Cherchant un compromis entre Leif et Eli, mes parents m’ont involontairement donné un prénom qui signifie” éternel” en islandais.

Quel serait votre projet idéal de recherche collaborative?

Les projets de collaboration constituent une part tellement importante de mon approche de la science que je n’oserais pas en choisir un favori ! J’ai passé près de vingt ans comme chercheur en Europe, où l’accent est mis sur le financement de projets scientifiques collaboratifs interdisciplinaires en équipe entre les pays membres de l’UE. D’après mon expérience, la science est beaucoup plus amusante et productive au sein de telles équipes diversifiées, car chaque chercheur apporte sa perspective unique et son expertise complémentaire. Cela est particulièrement vrai pour un sujet aussi complexe que l’apprentissage dans le cerveau.

Ce sont les communautés dynamiques et collaboratives de neurosciences et d’intelligence artificielle de McGill, de l’UdeM, de Mila, d’IVADO et d’initiatives comme UNIQUE (Union Neurosciences et Intelligence Artificielle – Québec) qui m’ont attiré à Montréal.  Le financement des équipes est un important facilitateur de la recherche collaborative, et je pense donc que des programmes comme la bourse d’équipe UNIQUE-IVADO Neuro-AI sont un excellent pas dans la bonne direction. Avec le professeur Roberto Araya (UdeM/CRCHUSJ), neuroscientifique, et les professeurs Irina Rish (UdeM/Mila) et Doina Precup (Mila/McGill/DeepMind), chercheurs en IA, nous avons soumis un projet passionnant sur les mécanismes néocorticaux de l’apprentissage continu. S’il est financé, ce serait idéal !

L’étude des troubles associés, tels que la schizophrénie et les troubles du spectre autistique, fournit un aperçu riche et multi-modèle des mécanismes d’apprentissage néocorticaux en révélant des modes de perturbation couvrant des échelles allant des gènes à la cognition.  Il s’agit d’une orientation complémentaire pour les projets de recherche en collaboration avec des psychiatres cliniques, des neurogénomistes, des biologistes moléculaires et des neuroscientifiques expérimentaux, qui m’enthousiasme beaucoup en raison de la possibilité d’aider les gens en contribuant au développement de traitements plus rapides, spécifiques et efficaces. Bien sûr, nos méthodes d’analyse ne sont qu’une pièce du grand puzzle.  L’initiative majeure récemment annoncée, le  » Centre IMAGINE  » du CHUSJ, dirigé par les professeurs Patricia Conrod et Gregory Lodygensky, offre un excellent contexte de collaboration à Montréal pour la réalisation de ce projet.

Guillaume Dumas

Quels sont vos intérêts de recherche?

Sur le plan fondamental, je suis principalement intéressé par la compréhension de comment notre cerveau nous permet d’interagir dynamiquement avec les autres et en quoi nos capacités sociales rendent la cognition humaine si unique. Cela passe par le développement de deux nouveaux champs de recherche co-dépendants: les neurosciences multicerveaux et l’intelligence artificielle sociale. Sur le plan pratique, mon équipe combine l’enregistrement de l’activité cérébrale de plusieurs personnes simultanément (hyperscanning). Nous étudions aussi les interactions entre humains et agents artificiels, plus récemment via des jeux vidéo en réalité mixte. Nous développons aussi des méthodes d’apprentissage machine pour combiner ces nouvelles formes d’observations avec des données cliniques et génomiques afin d’appliquer ces connaissances dans le champ de la psychiatrie de précision, particulièrement dans les troubles neurodevelopmentaux avec des altérations de la cognition sociale comme l’autisme. Enfin, sur le long terme, nous visons à concevoir de nouvelles formes d’intelligence artificielle dotées de capacités sociales.

Pouvez-vous nous partager un “fun-fact” sur vous ou votre devise?

Mes travaux sur les synchronisations inter-cérébrales étaient au début considérés comme de la parapsychologie

Quel serait votre projet idéal de recherche collaborative?

Un projet de recherche action avec la communauté de l’autisme sur l’usage des jeux vidéo sérieux.

Sarah Gagliano Taliun

Quels sont vos intérêts de recherche?

Mes intérêts de recherche sont d’utiliser et de développer des méthodes computationnelles pour mieux comprendre les facteurs génétiques qui contribuent au développement des maladies multifactorielles en utilisant des big data. Ce travail a pour but de soutenir la santé personnalisée en termes de prévention, de diagnostic et de traitement.

Pouvez-vous nous partager un “fun-fact” sur vous ou votre devise?

J’ai une jumelle. C’est une des raisons pour lesquelles je pense que la génétique est un domaine fascinant.

Quel serait votre projet idéal de recherche collaborative?

Ce serait un projet multidisciplinaire pour lequel je pourrais voyager en Italie pour échanger des idées avec mes collaborateurs et pour participer à la formation de la prochaine génération de chercheuses et de chercheurs. 

Tomas Paus

Quels sont vos intérêts de recherche?

Je suis un neuroscientifique des systèmes, avec une expertise de base dans l’organisation structurelle et fonctionnelle du cerveau humain. J’étends ces connaissances aux niveaux moléculaire (omique) et populationnel (cartographie géospatiale de l’environnement social). Mes travaux intègrent l’épidémiologie, les neurosciences et la génétique – par le biais d’une nouvelle discipline, les neurosciences des populations (https://www.google.ca/books/edition/Population_Neuroscience/JPQtorlqv3cC?hl=en&gbpv=0).  – dans la poursuite de connaissances pertinentes pour la santé cérébrale des enfants et des jeunes. Cette recherche s’appuie sur des données acquises dans un certain nombre de cohortes basées en Amérique du Nord et du Sud et en Europe.

Pouvez-vous nous partager un “fun-fact” sur vous ou votre devise?

J’aime la science. Découvrir ce que personne d’autre ne sait (jusqu’à ce que vous lisiez un article sur BioRxiv…). J’ai commencé à l’adolescence, en donnant de la vitamine C (ou un placebo) à mes camarades de classe et en testant leur attention. C’était mon premier article. Il y a plus de 30 ans, j’ai eu la chance de venir à Montréal et de travailler avec Brenda Milner, Michael Petrides et d’autres à l’Institut neurologique de Montréal – à l’époque où l’imagerie cérébrale prenait son essor. Une époque très excitante… La science repose sur de nouveaux concepts élaborés à partir de données acquises avec de nouveaux outils. C’est pourquoi l’IA est un moteur si puissant de nouvelles découvertes.

Quel serait votre projet idéal de recherche collaborative?

La collaboration avec ceux qui savent ce que je ne sais pas – et qui sont prêts à engager une conversation. Trouver un langage commun est un point de départ essentiel. Ensuite, nous pouvons commencer à travailler ensemble. Dans un avenir proche, je chercherai des partenaires dans deux domaines : (1) l’extraction d’informations quantitatives sur l’environnement social (au niveau d’un quartier) à partir de « l’empreinte numérique » que nous laissons derrière nous par nos actions (actuelles et passées) ; et (2) la modélisation des variations des microcircuits neuronaux dans différentes régions du cortex cérébral des primates.